Dans ce tutorial, on va voir ensemble comment fabriquer un moule en plâtre pour faire du coulage via un modèle réalisé en impression 3D. L'idée est de suivre pas à pas les étapes de fabrication de petites tasses à café.
Introduction
De l'impression 3D pour faire du plâtre pour faire de la céramique? Gnèé??
Voilà un cheminement un peu complexe mais on va essayer de clarifier tout ça ensemble.
Pour réaliser des objets en céramique, plusieurs techniques peuvent être utilisées: travail au tour, à la plaque, estampage, etc... (lire cet article pour plus d'infos: les différentes étapes de fabrication d'un objet en céramique)
Une des techniques est celle du coulage. On utilise dans ce cas de l'argile liquide, que l'on va verser dans un moule en plâtre. Pourquoi du plâtre? Du plâtre parce que ce matériau à l'avantage d'absorber l'humidité. Cela aura pour effet de faire durcir notre argile liquide qui va ainsi prendre la forme de notre moule.
L'intérêt du coulage est donc de pouvoir reproduire des formes plus ou moins complexes et que le résultat soit quasi identique, chose beaucoup plus compliquée en modelage ou en tournage.
Cônes photophores réalisés en coulage via un moule en plâtre
Vous l'avez compris, pour faire du coulage, il faut donc des moules en plâtre. Pour fabriquer ces moules en plâtre, on va créer sur ordinateur un moule mère que l'on va imprimer grâce à une imprimante 3D.
L'impression 3D c'est quoi?
L'impression 3D c'est une technologie qui permet d'imprimer des objets en 3 dimensions. Un peu comme le fait une imprimante à papier classique qui reproduit un texte ou un dessin sur une feuille de papier (en deux dimensions donc), l'imprimante 3D va créer un objet à partir d'un modèle. Cet objet créée peut être en différentes matières: on peut imprimer du métal, de la fibre du bois, du ciment, de la résine, du plastique, etc... Différentes techniques existent pour ces imprimantes, mais la plus répandue et celle que l'on va utiliser ici s'appelle l'impression additive.
L'imprimante est dans ce cas (pour la plupart du temps), composé d'un plateau, au dessus duquel une buse va se déplacer et déposer plusieurs fines couches successives d'un matériau qui vont peu à peu s'empiler pour créer notre objet.
Pour la culture, sachez qu'on peut même imprimer en 3D directement un objet en argile
Et oui, c'est possible! Différentes marques proposent ce genre d'imprimantes qui sont assez chères (dans les 4000 euros pour les moins chères) qui vont déposer directement des fines couches d'argile pour obtenir un objet imprimé en 3D, directement en argile.
Petit exemple d'impression 3D directement en argile dans cette vidéo:
Si on peut imprimer directement en argile, pourquoi s'embêter avec du coulage et des moules?
Question légitime! L'impression 3D est un processus assez lent. Il faut en effet pas mal de temps pour l'imprimante pour déposer toutes ces fines couches. Du coup l'impression directe en argile est certes intéressante pour faire des formes très complexe mais longue.
Si on veut produire des pièces plus rapidement, le plus intéressant est donc de fabriquer grâce à l'impression 3D un moule mère qui servira pour réaliser de multiples moules de coulage en plâtre qui seront utilisées pour faire nos pièces en argile.
Outre l'argument du temps, il faut savoir que les imprimantes 3D en argile sont plus compliquées à mettre en œuvre et plus chères. Dans cet exemple, nous allons utiliser une imprimante qui imprime un matériau appelé le PLA (qui est un polymère biodégradable obtenu à partir d'amidon de maïs). Cet imprimante nous a coûté 250€ à l'achat ce qui reste très correct.
Les différentes étapes
On va donc rentrer dans le vif du sujet de ce tutorial. On va voir ensemble comment nous avons fabriqué ces petites tasses à café, du début à la fin:
Il s'agit d'un design assez simple avec un moule de coulage en une partie, rien n'empêche par la suite de faire des objets plus complexes bien sur! L'idée était ici d'avoir des petites tasses à café de la bonne contenance et pouvant bien s'empiler pour un rangement facile.
Voici donc les étapes que l'on va suivre:
- Modélisation de notre tasse
- Impression du prototype et test
- Modélisation du moule mère
- Impression du moule mère
- Fabrication du moule de tirage en plâtre
Tout un programme! C'est parti!
Modélisation de notre tasse
La toute première étape de notre projet, consiste à créer la forme de notre objet sur ordinateur. Pour ce faire, différents logiciels de modélisation 3D existent. Je ne vais pas lister ici toutes les solutions possibles mais sachez que pour ma part, j'utilise le logiciel de modélisation Blender.
Ce n'est peut-être pas le logiciel le plus simple à prendre en main mais il a quelques avantages:
- il est complètement gratuit
- très riches en fonctionnalités
- très utilisé
Le dernier point est particulièrement intéressant. Vous trouverez sur internet beaucoup d'infos sur son utilisation, de nombreux tutos sur YouTube. Je n'y connaissais rien en modélisation 3D mais avec un peu de motivation et de détermination, on arrive si on s'accroche à faire des choses sympas!
Ma tasse prend forme sur Blender
Une fois que l'on est satisfait de son modèle, on va pouvoir l'imprimer grâce à notre imprimante 3D. Pour ce faire, il va falloir exporter notre forme sur Blender au format .stl. Ce fichier .stl doit alors être ouvert dans un autre logiciel qui s'appelle un slicer ou logiciel de découpe 3D.
Le slicer, c'est le logiciel qui fait le lien entre notre modèle 3D et notre imprimante 3D. On va dans ce logiciel définir différents paramètres pour l'impression comme l'épaisseur des couches de notre impression, la vitesse d'impression, etc...
J'ai l'habitude d'utiliser le slicer Ultimaker Cura qui est assez simple d'utilisation et a également l'avantage d'être gratuit:
Notre modèle a été découpé en tranches et on peut voir comment il sera imprimé
Le slicer va alors généré un nouveau fichier .gcode. C'est ce fichier que l'on va fournir à notre imprimante qui va pouvoir démarrer l'impression.
Impression du prototype et test
Et c'est parti pour l'impression. Comme indiqué plus haut, on va donc utiliser une imprimante 3D qui imprime avec un fil PLA. Ce fil donne des formes rigides et est assez peu chère ce qui est parfait pour notre prototype. En terme d'imprimante, on utilise une Alfawise U20 qui nous a coûté 250€ à l'achat il y a quelques années. Pour le détail des coûts de tout le processus, voir à la fin de cet article.
Je l'ai dit, l'impression 3D est un processus lent, il va donc falloir s'armer de patience! Pour vous donner un ordre d'idée, cette petite tasse de 8cm de haut va mettre 9h à s'imprimer!
Cette durée dépend principalement de l'épaisseur de la couche déposée à chaque passage de la buse de l'imprimante. Pour une impression plus rapide, on peut décider de faire des couches plus épaisses (0.3, 0.4 mm). Ces couches plus épaisses rendront l'impression moins propre et nette mais ce n'est pas très important pour cette étape de prototypage. On peut aussi prévoir d'imprimer plusieurs prototypes en même temps et de différentes tailles si on le souhaite.
Impression de plusieurs prototypes à différentes tailles
Pourquoi imprimer un prototype?
On pourrait se demander pourquoi imprimer un prototype de notre pièce. C'est vrai que cela fait perdre du temps et de la matière car ce prototype ne sera pas toujours utilisé. C'est cependant super intéressant car ça permet d'avoir notre pièce réelle en main dès le début du processus.
Dans ce cas précis, on voulait avoir des tasses qui s'empilent bien pour pouvoir les ranger facilement. Après l'impression de deux éléments de notre premier prototype, on s'est rendu compte que le design avait un défaut qui ne permettait pas d'empiler les tasses. On a donc pu grâce au prototype corriger ça dès le départ et ne pas se rendre compte à la toute fin que ça ne marche pas.
L'autre intérêt a été de pouvoir tester la taille et la sensation de la tasse dans la main. On a beau avoir les mesures sur ordinateur, on a parfois du mal à imaginer ce que ça donne en vrai, cette étape permet de le faire!
Une fois le prototype validé et qu'on est bien content de nous, on va pouvoir passer à l'étape suivante.
Modélisation du moule mère
On a donc un prototype qui nous plaît. C'est notre objectif final, mais le but est de pouvoir fabriquer des moules pour atteindre cette forme. Notre objet final est en argile, mais son moule est en plâtre. Pour fabriquer ce moule en plâtre, on a deux options:
- utiliser notre prototype pour faire nos moules de tirage en plâtre
- imprimer un moule mère pour faire nos moules de tirage en plâtre
Dans cet exemple, notre forme est assez simple et notre moule de tirage en plâtre sera en une pièce car il n'y a pas de contre-dépouille dans notre forme. On parle de contre-dépouille quand la forme d'une pièce empêche un démoulage direct. Pour ceux qui veulent en savoir plus: Angle de dépouille.
1. Utilisation du prototype
Comme notre forme est simple, l'approche la plus facile est de fabriquer nos moules de tirage en plâtre directement grâce au prototype imprimé. Pour ce faire, on peut utiliser la même technique que celle décrite dans notre tutorial: Fabriquer un moule de bol en plâtre.
Attention cependant à la taille finale de notre pièce! L'argile en séchant et en cuisant va perdre du volume. Ce pourcentage de rétrécissement va dépendre du type d'argile mais il faut le prendre en compte. L'argile que nous utilisons à l'atelier par exemple perd 15% de taille. Si l'on utilise notre prototype imprimé à la taille finale souhaitée, notre objet final sera donc 15% plus petit. Il est donc judicieux dans ce cas d'imprimer un prototype à une taille de 115% et de l'utiliser pour créer notre moule et ainsi être sur d'avoir la bonne taille finale.
L'objectif de ce tutorial étant de montrer le processus pour potentiellement faire des formes plus complexes par la suite, on va voir ensemble ici comment modéliser et imprimer un moule mère.
2. Modéliser et imprimer un moule mère
Il va falloir faire un peu de gymnastique mentale à cette étape pour bien s'imaginer ce que l'on veut faire: on veut imprimer un moule mère qui nous permettra de faire nos moules en plâtre qui nous permettront de faire notre objet en argile.
En terme de forme, il nous faut donc l'inverse de l'inverse de notre forme finale ce qui veut dire que l'on veut notre forme finale. Un peu tordu non? C'est pourtant la réalité. Cette gymnastique semble un peu bizarre pour cette forme simple mais dans le cas de moules en plusieurs parties ça peut vite devenir très complexe il est donc intéressant de bien réfléchir à ce qu'on veut.
On va donc partir de notre prototype, et on va créer un nouveau modèle sur ordinateur auquel on va rajouter des éléments. Dans le cas d'une forme simple comme dans notre exemple, on va rajouter peu ou pas d'éléments car le prototype peut très bien faire l'affaire comme on l'a vu plus haut.
Mon moule mère, pas très différent du prototype, avec uniquement des rebords en plus pour la galerie du futur moule
Pour une forme plus complexe, avec des contre dépouilles, il va falloir découper notre modèle en plusieurs éléments, qui vont chacun créer une partie du future moule en plâtre. Il nous faut donc un moule mère par partie du moule en plâtre final.
On ne vas pas rentrer plus en détail ici car cela dépend vraiment de votre modèle.
Impression du moule mère
Pour imprimer le moule mère, on a fait un choix un peu particulier ici. Pour notre prototype, on a imprimé avec un matériau qui s'appelle du PLA, qui a l'avantage d'être pas cher et qui est donc très intéressant pour la phase de prototypage.
Le PLA a par contre un petit défaut pour notre utilisation: il est très rigide. Pourquoi je dis défaut? Parce que si on coule du plâtre sur notre moule mère en PLA, comme le plâtre va être rigide et le moule mère en PLA également, on va avoir des gros problèmes pour sortir notre moule mère du plâtre.
Pour éviter ce problème, on va imprimer notre moule mère dans un autre matériau compatible avec notre imprimante 3D, il s'agit du TPU. Le TPU permet de créer en impression 3D des formes souples, ce qui va être idéal pour notre moule mère
Le moule mère imprimé en TPU est souple ce qui permet un bon démoulage
Une fois que l'on a notre moule mère, il va falloir couler notre plâtre
Fabrication du moule de tirage en plâtre
Le plus dur est fait! Il nous reste à fabriquer plusieurs moules de tirage en plâtre à partir de notre moule mère en TPU. Pour faire cela, le procédé est le même que celui décrit dans ce tutorial: Fabriquer un moule de bol en plâtre.
La seule différence est qu'au lieu d'utiliser un modèle en céramique, on va utiliser notre moule mère imprimé en TPU. La galerie a été directement intégré au moule mère, on a donc pas grand chose à faire, si ce n'est faire un coffrage autour de notre moule mère.
Là encore, l'impression 3D est très pratique. Dans notre exemple de bol, on cherche un sceau au diamètre adapté pour faire le coffrage. Avec l'impression 3D, on peut imprimer nous même un cercle ou une autre forme adapté à notre coffrage. Pour ce coffrage, on peut le faire en PLA, ça fait très bien l'affaire.
Dans cette photo d'exemple, on a un moule plus complexe en 2 parties. Le moule mère en gris est en TPU, le coffrage (couleur orange) est imprimé en PLA à la bonne dimension.
Il ne reste plus qu'à couler notre plâtre à l'intérieur et le tour est joué! On aura nos moules en plâtre pour faire des tirages en argile!
Le moule mère avec le moule en plâtre et le produit fini
Conclusion
Le processus détaillé peut paraître long et complexe mais une fois qu'on a un peu travaillé le sujet, il permet de faire des choses assez sympa grâce à une imprimante 3D. Ce système n'est par contre pas parfait:
Si notre impression 3D n'est pas de très bonne qualité, on va retrouver les traces des fils de l'impression sur nos moules et donc sur nos pièces finies en argile qu'il faudra alors poncer. Une option pour limiter ce problème est d'utiliser un produit de lissage sur le moule mère comme le XTC-3D par exemple.
Ca coute combien tout ça?
Au niveau du coût, c'est relativement abordable (hors achat de l'imprimante 3D à 250€):
- Prototype: 50g de PLA: 1€ par prototype (20€/kg de PLA)
- Moule mère: 100g de TPU: 3€ (30€/kg de TPU)
On se retrouve avec un coût total de 4€ pour la fabrication de ce moule mère qui va nous permettre de faire pas mal de choses.
Pour aller plus loin: le maitre du moule imprimé en 3D: Curt Hammerly
Si vous voulez creuser le sujet, je vous invite à voir le travail de Hammerly Ceramics sur Instagram. C'est un céramiste américain qui réalise ses propres moules de coulage en utilisant l'impression 3D et crée des pièces assez incroyables. J'ai eu le plaisir d'échanger avec lui, et il utilisait au début le cheminement expliqué dans cet article.
Des mugs fabriqués par Curt Hammerly
Par la suite, pour gagner en qualité, il est passé par une imprimante 3D utilisant de la résine pour gagner en précision et netteté. Il a également une étape supplémentaire: il crée un moule mère en résine via son imprimante 3D, puis il coule du silicone dans ce premier moule pour créer son moule mère qui sera après utilisé pour couler les moules de tirage en plâtre.
Le silicone est un matériel très chère et non recyclable et les imprimantes 3D en résine sont également plus chère et compliquées à mettre en œuvre, c'est donc réservé aux personnes voulant vraiment aller plus loin.
Des questions
On espère que cet article vous aura plu et qu'il a permis de dégrossir le sujet! N'hésitez pas à nous contacter si vous avez des questions!